Exposition au Sémaphore de la Pointe du Grouin à Cancale, du 12 juillet au 25 août 2023, 23 photographies couleur, wallpaper repositionnable, production : Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine.
Texte de présentation et feuille de salle
Les photographies présentées ici sont issues de l’Observatoire photographique des paysages d’Ille-et-Vilaine débuté en 2018. Cette démarche, pratiquée en France depuis les années 1990, consiste pour une collectivité à demander à un artiste photographe de construire une vision du territoire grâce à un ensemble de prises
de vue. La conciliation du regard subjectif de l’auteur avec celui des acteurs publics du territoire fait toute la richesse de cette démarche. Le photographe y travaille à partir d’une matrice hybride, qui réunit sans les opposer émotions et connaissances, perceptions sensorielles immédiates et savoirs acquis auprès des experts du territoire.
La matière essentielle de cette démarche est le temps. Car l’enquête visuelle initiale réalisée par le photographe est projetée vers l’avenir, au moyen d’une rephotographie des points de vue à l’identique et à intervalle régulier. Révélant l’évolution du paysage, les séries ainsi produites viennent nourrir
une sorte d’infra-cinéma, enchaînant les images non pas 24 fois par seconde mais une fois tous les trois ans, montrant des phénomènes trop lents pour être perçus à l’œil nu.
Les images présentées sont des diptyques chronophotographiques réalisés entre 2019 et 2022. Ils constituent l’amorce du travail de suivi des paysages qui se poursuivra à long terme, sous l’égide du Département. Chaque image, rephotographiée à l’identique et au même endroit, est une actualisation de la précédente. Trois années ont suffi à révéler des évolutions très sensibles, touchant tantôt à la structure morphologique des paysages, tantôt à une poétique de l’éphémère révélant les mille et un « faits divers » qui s’y déroulent.
Ces diptyques, qui permettent d’embrasser d’un seul coup d’œil le passé et le présent, viennent au secours de notre mémoire imparfaite et nous empêchent d’oublier les états antérieurs du paysage. Parfois c’est une certaine stabilité qui apparaît, donnant l’impression que certains lieux sont immuables. Mais ils révèlent aussi des réalités qui peuvent être douloureuses et brutales : une extension urbaine artificialisant les sols, la disparition d’une haie, la mutation à court terme d’un paysage agricole où le bocage s’efface… Enfin, la démarche d’observatoire permet aussi de caractériser des phénomènes auxquels il faut remédier, comme par exemple l’effet de la forte fréquentation d’un milieu naturel.
Dans ce voyage visuel se dévoilent ces paysages imminents, saisis dans un moment de bascule, et qui ouvrent un espace de discussion. Le visiteur l’enrichira de sa propre vision, pour appréhender visuellement la complexité formelle du bocage, percevoir les excès d’une consommation de masse du paysage et son éventuelle résilience, ou encore toucher des yeux les actions qui modifient durablement la substance du paysage.
G. Bonnel